La récente élection municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges nous rappelle une vérité simple : la division de la gauche est un cadeau fait à la droite et à l’extrême droite. Alors qu’une victoire pour la gauche et surtout pour les habitant·es était envisageable, nous avons assisté à une fragmentation des forces progressistes, à des calculs partisans et à des postures qui ont finalement profité à nos adversaires.
Ce scénario ne doit plus se reproduire !
Partout en Europe et dans le monde, les forces d’extrême droite progressent, désormais ouvertement appuyées par de grandes figures du monde capitaliste qui entreprennent d’écrire un nouveau chapitre du capitalisme mondial : fini le libre-échangisme béat, le moment est aux guerres commerciales impérialistes.
L’élection de Trump est bien-sûr un révélateur de cette bascule. Mais la France n’est pas une île. Elle est la prochaine étape sur la feuille de route de ces « élites » capitalistes. Ici comme aux états unis, celles-ci emportent des fractions toujours plus importantes du petit patronat et de la petite bourgeoisie, en promouvant des solutions réactionnaires : outre la dérégulation totale de l’économie, celle des relations internationales dans tous les domaines, et jusqu’au renoncement à l’état de droit et à la démocratie, en ne tenant par exemple plus aucun compte des résultats électoraux.
Plus grave, elles agrègent également des pans entiers des classes populaires victimes de la mondialisation et qui perdent toujours plus confiance dans un modèle social délégitimé par un affaiblissement organisé et constant de son efficacité.
Ajoutons que ces forces cherchent avec une intensité tout à fait inédite, à diviser celles qui pourraient encore s’opposer à leurs desseins, et nourrissent par tous les moyens médiatiques et politiques à leur disposition, le récit de « gauches irréconciliables » entre gauche réputée « responsable » et gauche « radicale » qu’il faudrait exclure de « l’arc républicain ».
“…les forces réactionnaires redoutent que s’amorce ici-même la déroute de leurs projets”
Car malgré ce tableau très sombre, l’espoir existe. Si l’énergie déployée pour diviser et disqualifier les forces de progrès est si considérable, c’est en réalité parce que les potentialités offertes à la gauche française pour arracher des victoires sont immenses. Contrairement à d’autres pays européens, en France le mouvement social est toujours debout. Même s’il a subi des défaites notamment lors de la réforme des retraites, ses capacités de mobilisation demeurent fortes. Le mouvement pour l’égalité des droits est puissant, notamment le mouvement féministe qui avec le procès Mazan a encore grandi. La France est aussi un grand pays de mixité, dans lequel les théories ethno-nationalistes se heurtent au réel d’une France toujours plus mélangée.
C’est bien parce que la France est l’un des centres de la révolution que Milei appelle « wokiste », c’est à dire le grand mouvement pour la justice sociale et l’égalité des droits commencé avec la révolution française, que les forces réactionnaires redoutent que s’amorce ici-même la déroute de leurs projets.
Il n’est donc pas admissible que dans cette situation pleine de dangers mais aussi de potentialités, la gauche ne soit pas à la hauteur. Tout porte à croire qu’elle se comporte en réalité comme si elle ne croyait pas en ses chances de victoire.
D’abord elle choisit les logiques partidaires et la division quand tout démontre que l’union est une condition essentielle de la victoire. Et pour une partie d’entre elle, elle ne croit pas possible d’engager des propositions basculantes, et préfère se réfugier à nouveau dans la recherche de compromis sociaux-démocrates désormais impossibles.
“…un pacte pour gagner autour de trois chantiers prioritaires…”
Dans cette situation préoccupante, les appels se multiplient, issus de membres de forces du NFP, de citoyens ou de syndicalistes, et demandent un sursaut unitaire. Nous nous joignons à ces initiatives, et nous appelons les forces sociales et politiques de la gauche et de l’écologie à se réunir en urgence pour reposer les bases d’une stratégie commune et s’atteler à un pacte pour gagner, autour de trois chantiers prioritaires.
D’abord, nous devons en urgence faire vivre le mot « populaire » dans un Nouveau Front Populaire (NFP) qui n’est encore qu’un fragile cartel d’organisations politiques. Nous appelons l’ensemble des forces de gauche à mettre tous leurs moyens à disposition pour créer et développer partout dans le pays, les comités du NFP pour mener la lutte sans concession dans les lieux de travail, dans les villes et les villages et prolonger le puissant élan citoyen qui s’est exprimé dans les urnes en juillet 2024.
Ensuite, nous ne pouvons pas renoncer à aborder ensemble, en cohérence et dans l’union, les prochaines échéances électorales. A commencer par les municipales, une élection d’autant plus importante que la Commune, comme brique essentielle de notre vie démocratique, peut être le point de départ de nouvelles conquêtes et d’un puissant mouvement de mobilisation populaire. Examinons aussi comment, fort de l’élan que constituerait l’élection de milliers de municipalités de la gauche et de l’écologie, nous pourrions aborder en cohérence les élections nationales, à partir de candidat·es commun·es aux élections présidentielle et législatives.
Enfin, l’union est une condition nécessaire mais pas suffisante. Le rassemblement de toutes les forces progressistes américaines, y compris l’aile la plus radicale à gauche du Parti démocrate, n’a ainsi pas suffi à vaincre le trumpisme. Pour gagner la gauche, doit proposer un futur désirable, porter un projet radicalement nouveau et faire sienne les propositions de rupture avec le système capitaliste. Un choix qui appelle donc sans hésitation à voter immédiatement la censure.
Le temps presse. Les défis auxquels nous faisons face sont immenses, mais ils ne sont pas insurmontables. À condition que nous soyons capables de nous rassembler, de nous écouter et d’agir ensemble. Villeneuve-Saint-Georges doit être le dernier avertissement. Ne laissons pas l’histoire se répéter.
